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Vers un essor de l’arbitrage familial ?

L’actualité de l’arbitrage prend une orientation inattendue. C’est dans les matières où on ne l’attendait plus que la technique réussît le mieux à surprendre. Le droit de la famille que l’on croyait naturellement incompatible avec la justice privée semble au contraire fort bien s’en accommoder. On voit fleurir des chambres spécialisées[1] dans ce contentieux qui apparaissait à bien des égards comme l’un des domaines de prédilection du juge judiciaire. A regarder de près, les litiges potentiellement arbitrables ne sont pourtant pas isolés : fixation du montant de la pension alimentaire, détermination des modalités de garde alternée des enfants, résolution des questions conflictuelles avant divorce par consentement mutuel, rupture contentieuse d’un Pacs, détermination des modalités de garde alternée des enfants. Tous les litiges familiaux dans leur aspect patrimonial sont concernés. La convention d’arbitrage peut d’ailleurs figurer dans nombre de contrats passés en matière familiale (ex. contrat de divorce).

S’agissant du divorce proprement dit, la question parait définitivement réglée par l’archaïque article 2060 du Code civil : « On ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps (…) ». Ce texte, déplacé[2] du Code de Procédure Civile de 1806 vers le Code civil en 1975[3], pose une solution de droit positif certaine : le divorce ne peut pas a priori être soumis aux arbitres. Les parties sont libres de régler devant le juge arbitral l’aspect patrimonial mais le JAF reste seul compétent pour prononcer le divorce. En cas de participation de l’arbitre à la procédure, deux juges statuent dans le même dossier.

Les motivations de l’exclusion de l’arbitre par l’article 2060 du code civil sont toutefois impénétrables. En outre, la loi J21[4] permet de divorcer par consentement mutuel en dehors du juge[5] alors que l’arbitre – qui est un juge - voit lui ses pouvoirs limités par une espèce de butoir naturel. Sa paralysie pour intervenir en matière matrimoniale résulte assurément de considérations issues d’une époque qui n’est pas la nôtre. Ni le nécessaire respect de la laïcité, ni la vérification de l’ordre public par le juge judiciaire, ni la protection d’une partie faible, ni la préservation de l’accès au juge, ni la bonne administration de la justice ne sauraient être utilisés pour expliquer sa mise à l’écart. Il n’a jamais été aussi facile de divorcer qu’aujourd’hui … à condition de ne pas vouloir le faire devant un juge arbitral. Cette option ne manque pas de surprendre[6].

Souhaitons par conséquent une longue vie à l’arbitrage familial qui présente de nombreux avantages (discrétion, célérité, cout raisonnable, apaisement des tensions inutiles, éventuellement bonne connaissance de la famille et des protagonistes, simplification de la procédure notamment en matière internationale)[7] et, de grâce, supprimons du Code civil son article 2060 dont la formulation interroge toujours autant et qui chasse de la même manière du bureau du juge arbitral des affaires ne présentant entre elles aucun rapport[8] !             

Téléchargement la Lettre n°5 dans sa totalité

pdfLa Lettre de la Chambre - n°5 Novembre 2019.pdf                        

[1] V. Par ex. Le Tribunal arbitral des affaires familiales proposé par l’Institut digital d’arbitrage et de médiation pour la résolution des différends en matière familiale (http://www.tribunal-familial.fr/)
[2] L. Posocco, l’inarbitrabilité des litiges, Gaz. Pal. 28 déc. 2013, n° 156f6, n°9
[3] Loi n°72-626 du 5-7-1972 entrée en vigueur le 10 juillet 1975 : L’ancien art.1003 du CPC est devenu l’art. 2059 du Code civil et l’ancien art. 1004 du CPC est devenu l’art. 2060 du Code civil.
[4] Loi n° 2016-1547
[5] Divorce par consentement mutuel, Code civil art. 229-1 et s. 
[6] V. par ex. la loi du 20 septembre 1792 sur le divorce
[7] L. Posocco, op. cit., n° 3
[8] Sont exclus : les divorces, l’état et la capacité des personnes, les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics – sauf ceux autorisés - et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public.