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La refonte de l’art 2061 C.Civ. par la Loi Justice du 21ème siècle

article par Me Jean Jacques THULLIEZ, avocat au barreau de Toulouse

La loi Justice du 21ème siècle a procédé à une refonte de l’article 2061 du code civil sur la clause compromissoire. Cette réforme aboutit à un élargissement substantiel du domaine de l’arbitrage interne. Rappelons que c’est la 3ème fois seulement depuis 1804 que l’article 2061 est modifié.

L’examen rapide de son évolution est parlant :

  • en 1972, l’ancien article pose une interdiction de principe de la clause compromissoire « sauf s’il en est disposé autrement par la loi » ; son champ n’étant possible qu’en matière commerciale.
  • en 2001, le législateur inverse la règle en posant une validité de principe de la clause compromissoire dans les contrats conclus « à raison d’une activité professionnelle », étendant le champ de validité de la clause de la matière commerciale à la matière professionnelle.
  • en 2016, la rédaction nouvelle ne se préoccupe plus de la validité de la clause et, en cela, la consacre comme une disposition contractuelle normale, la seule question étant de s’assurer que celui à qui on l’oppose, y a bien consenti.

Le nouvel article 2061 comporte deux alinéas, le 1er général, le second s’appliquant au non-professionnel. 

Le 1er alinéa est ainsi rédigé : « La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l'oppose, à moins que celle-ci n'ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l'a initialement acceptée. » Il ressort de ce texte qu’il n’est plus nécessaire de poser des règles de validité puisqu’à l’évidence, la clause compromissoire est une clause comme une autre ; l’important étant d’avoir la garantie qu’elle a bien été acceptée.

Si la nécessité d’une acceptation est soulignée, il faut l’entendre de manière souple car elle s’efface dans les hypothèses de chaines de contrats lorsque la partie à laquelle on oppose la clause, a succédé aux droits et obligations du signataire originel ce qui entérine une jurisprudence bien établie. Avec cette formulation générale, il n’est plus question de savoir si la clause compromissoire est conclue pour des raisons professionnelles. Son champ d’application est donc très largement étendu à tous les contrats civils classiques, y compris ceux conclus avec des particuliers ou entre particuliers ; le domaine et les circonstances de leur conclusion étant indifférents. L’arbitrage voit, ainsi, s’ouvrir à lui divers domaines comme celui de l’assurance, de la consommation, de l’immobilier, des conventions patrimoniales, de l’internet, etc… Seules restent actives les exclusions de l’article 2060 que la réforme n’a pas touchées (on ne peut compromettre sur les questions d’état et de capacité des personnes, divorce, séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et toutes matières intéressant l’ordre public).

Cependant, l’alinéa 2 du nouvel article 2061 pose une limite dans les contrats conclus avec un particulier « non professionnel » en ce qu’il énonce : « Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée. »

Ainsi, la clause compromissoire s’inscrit bien, toujours, dans les rapports entre professionnels mais, alors que l’ancien article invalidait la clause hors du cadre professionnel, le nouveau texte se borne à la rendre simplement inopposable à celui qui ne contracte pas dans un cadre professionnel.

La sanction n’est pas la même puisque d’une nullité dans l’ancien texte, on glisse vers une simple inopposabilité. Il en résulte que le non-professionnel en présence d’une clause compromissoire dans le contrat le liant à un professionnel, bénéficie désormais d’une option de compétences en ce qu’il a le choix entre la justice privée (arbitrage) et la justice étatique (tribunaux), à l’inverse du professionnel qui doit se soumettre à la clause compromissoire sans pouvoir l’actionner si son adversaire (non-professionnel) s’y oppose.

Le nouveau texte instaure et consacre un déséquilibre entre les parties à un même contrat, comme pour compenser le rapport de force entre le « faible » (non-professionnel) et le « fort » (professionnel). On ne peut pas attraire de force un « non-professionnel » à l’arbitrage, mais si celui-ci préfère l’arbitrage, il n’y a pas de raison de l’en priver ; il faudra simplement qu’il réitère son consentement en ne s’y opposant pas une fois le litige né. Le professionnel est donc lié par la clause compromissoire dès son intégration dans le contrat ; en revanche, le non-professionnel conserve la faculté de s’affranchir de son acceptation originelle puisqu’il devra la réitérer lorsque le litige naîtra.

L’analyse de ce second alinéa peut conduire, en outre, à l’interprétation suivante : c’est le déséquilibre entre les parties qui explique le principe d’inopposabilité de la clause au bénéfice du non-professionnel. Par suite, le contrat conclu entre deux parties non-professionnelles ayant fait le choix d’une clause compromissoire imposerait auxdites parties d’aller à l’arbitrage, n’ayant aucune raison d’invoquer l’inopposabilité de la clause à l’égard de l’autre au moment de la naissance du litige. L’acceptation d’origine posée comme un principe fondamental dans le 1er alinéa produirait, dans ce cas, un effet définitif. Cette interprétation méritera une confirmation par la jurisprudence.

L’arbitrage est désormais ouvert à tous.

Il reste aux praticiens de le vulgariser pour permettre la résolution de nombre de litiges efficacement, rapidement, sans débat public pour un coût maîtrisé.

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